La fonction du vitrail
Le vitrail, qu’est ce que c’est ?
Souvent associé à la religion, le vitrail est un média à la fonction et à la symbolique complexe. Compagnon de l’architecture, ces verrières géométriques ou figuratives permettent une lumière tamisée et colorée dès le Vᵉ siècle, occupant une place privilégiée dans les édifices religieux mais également civils.
L’impossibilité de fabriquer des verres assez grands pour la taille des ouvertures donne naissance au sertissage de petites pièces de verre avec du plomb.
Objet utilitaire ou décoratif ?
De part son emploi et son histoire, le statut du vitrail est difficile à définir. En tant qu’objet isolé et s’il est une composition ornementale de verres colorés, il est décoratif. Mais en tant qu’objet de liaison et de transformation de la matière lumière, il se dématérialise et n’appartient plus qu’à son seul état d’objet.
Une théorie portée par Grégoire Le Grand qualifiant le vitrail de « bible du pauvre », insinue que les scènes représentées sur les verrières avaient pour but la transmission de la parole biblique au peuple alors analphabète. Bien que la mission de l’église soit d’instruire et de moraliser cette fonction attribuée au vitrail est difficile à affirmer. Dans de nombreux cas, les scènes illustrées ne sont ni compréhensibles ni lisibles par les fidèles. Elles sont même parfois placées hors de leur portée, trop hautes ou dans des espaces dont ils n’ont pas accès. Seuls les donateurs de la verrière, et parfois même seuls les responsables du programme iconographique (le chapitre pour une cathédrale ou la fabrique pour une église paroissiale) savent et comprennent le sens de ce qui est figuré, et en tirent un profit spirituel.
Cependant, certains témoignages assurent la valeur illustrative et liturgique des images peintes sur le verre. L’abbé Suger a prôné cette fonction et imagina un ensemble de verrières très savantes pour l’abbatiale Saint Denis.
Il est difficilement faisable d’enlever la qualité de support visuel aux vitraux surtout qu’il est connu qu’un répertoire colorimétrique très précis était mis en place, mais à moins d’un interprète éclairé, la verrière peut vite rester lettre morte.
Un édifice = une fonction
La fonction du vitrail varie aussi selon le type d’édifice. Le rôle illustratif et liturgique s’accorde spécialement aux cathédrales ou aux abbatiales riches en reliques, ce qui laisse place à de grandes verrières complexes en accord avec les influences du chapitre. Pendant que dans les églises paroissiales, des donateurs ont accès à tout le répertoire des scènes bibliques afin de prendre leur place dans l’ordre social ainsi qu’à assurer leur salut.
Dans les Saintes chapelles ou les habitations seigneuriales, la valeur dynastique et de représentation du lignage est largement employée. Le vitrail peut aussi apparaitre comme le support de valeur mémorielle ou commémorative.
Le pouvoir de la lumière,
Toute la complexité de la nature du vitrail prend effet lorsque l’on prend en compte la lumière. Sous la contradiction de clore et d’éclairer, le vitrail est matière traversée par de la matière.
Pour les chrétiens la lumière du soleil n’est qu’une métaphore de la lumière divine, invisible et inconnaissable. De ce fait, l’animation du verre coloré par elle en fait un média privilégié qui permet de s’élever jusqu’à lui. Le vitrail est alors placé au rang d’œuvre la plus intime de dieu, au sens propre, il vitre les monuments architecturaux édifiés pour lui, comme au sens figuré, il est traversé par ses vaisseaux, il porte dieu en lui.
En ajoutant à cela que le clergé a longtemps été l’un des plus grands commanditaires d’œuvres, il est très difficile de ne pas admettre qu’il soit un enjeu religieux et symbolique de premier ordre réduit dans l’inconscient collectif à « fenêtres dans les églises ».
Donc quoi ?
En tant que réalisation de verre, la fonction du vitrail ne diffère guère des autres œuvres religieuses comme la peinture ou la sculpture. Mais peut-on le dissocier de la symbolique qu’il porte ?
Sa place de favoris dans l’art religieux, fait que le vitrail a connu une forte impopularité du premier qu’art du XVIIᵉ siècle jusqu’au XIXᵉ.
Aujourd’hui, les métiers de l’artisanat bénéficient d’un regain d’intérêt et le vitrail sort des églises. Fortement aidé par le mouvement Art Nouveau qui a été l’âge d’or de tous les artisanats et dont notre architecture et patrimoine artistique gardent beaucoup de traces.
Moins imprégné de l’idéologie religieuse, le vitrail n’en reste pas moins traversé par la lumière. Ce qui le fait, malgré lui, messager du superbe. Il concilie esprit et matière.
Inès S.
Sources :
Vitrail Vème – XXIème siècle, éditions du patrimoine
Voyage au Moyen Âge à travers les vitraux de Chartres, éditions Gaud